Les 4 processus de l’EM

Lorsqu’une personne va vers un changement de comportement, elle passe par des étapes qui ont été décrites notamment par le modèle transthéorique de Prochaska et Di Clemente. Pour accompagner la personne dans ces étapes, on peut distinguer différents temps dans l’approche motivationnelle. La première « version » de la théorie de l’EM distinguait 2 phases successives : construire la motivation (phase 1) et consolider l’engagement (phase 2). Progressivement, les auteurs ont abandonné cette description en 2 phases, jugée trop linéaire et simpliste. Dans la pratique, l’accompagnement est, comme le changement, un processus plus récursif, avec des retours en arrière, des rechutes, des temps durant lesquels des acquis sont remis en cause.

L’entretien motivationnel est maintenant présenté comme la mise en oeuvre de 4 processus, à la fois consécutifs et imbriqués les uns dans les autres. Ils sont représentés sous la forme de marches d’escalier, reposant les unes sur les autres, avec l’idée que chaque marche s’appuie sur les précédentes, et qu’il peut-être nécessaire de redescendre d’une marche pour pouvoir avancer à nouveau, etc.

    1 – L’engagement dans la relation

    Le premier de ces processus est l’engagement dans la relation. Il n’est bien-sûr pas spécifique à l’EM. Dans toutes les relations thérapeutiques et d’accompagnement éducatif et social, le temps de la rencontre, l’établissement d’une alliance thérapeutique sont essentiels et bien connus des praticiens. Des études ont validé l’importance de ce premier temps, et en particulier la manière dont il a été vécu par le client, dans le succès de l’accompagnement. Ici, tout entre en jeu : les contraintes externes, l’état émotionnel intérieur des deux personnes, mais aussi ce qui va spécifiquement être mis en oeuvre, les mots et attitudes de l’intervenant, etc.

    Alors que l’alliance thérapeutique intègre la notion d’objectifs communs et de moyens négociés, la phase d’engagement en EM se concentre sur l’établissement d’une « relation fondée sur la confiance mutuelle et sur une aide respectueuse »[ref to=1]. Établir cette relation est un exercice délicat, dans lequel il faut trouver l’équilibre subtil adapté à la situation et éviter de nombreux pièges, comme enfermer la personne dans une attitude passive, provoquer de la dissonance en proposant un diagnostic réducteur ou jugeant, ou encore rester en surface, éviter le sujet.

    Pour nous guider dans l’établissement de cette relation, on pourra explorer plusieurs points avec la personne : La rencontre correspond-t-elle a ce qu’elle souhaite, à ce qu’elle en attend ? Est-ce important pour elle ? L’a-t-elle vécue positivement et y voit-elle un espoir de changement ? Et l’on pourra mettre en concordance nos actes et attitudes avec ces objectifs.

    Enfin, cette phase de rencontre fait appel à de nombreuses compétences que l’intervenant doit développer et mettre en oeuvre : savoir écouter bien-sûr, pour comprendre ce qui créé l’ambivalence chez la personne ; savoir explorer avec elle ses propres valeurs et désirs, par les questions ouvertes, les reflets, la valorisation et les résumés notamment.

    2 – La focalisation

    Le processus de focalisation doit permettre ensuite de s’accorder avec la personne sur la direction visée par l’accompagnement. Les objectifs énoncés par la personne ne seront pas toujours concordants avec ceux pressentis comme importants par l’intervenant, ou encore avec les missions du service. Par exemple, un homme peut demander de l’aide pour retrouver du travail, et le travailleur social l’accompagnant juger que la diminution d’une addiction sera un objectif préalable incontournable. Dans ces situations, le processus de focalisation doit permettre de se mettre d’accord avec la personne sur le projet de l’accompagnement, sur les objectifs qui seront visés.

    Dans cette phase, on peut adopter trois styles. Dans certaines situations, il pourra être utile d’être directif, d’essayer d’indiquer à la personne une direction à suivre. Cependant dans la plupart des situations, ce style s’est montré contre-productif. A l’inverse, l’approche non-directive Rogerienne propose de laisser la direction de l’accompagnement au libre arbitre du client. Ce peut être un style à adopter lorsqu’un problème a été adressé par ailleurs, ou pour rechercher de nouvelles pistes de travail. Entre les deux, l’EM préconise de guider la détermination du cap à viser, en prenant en compte les attentes de la personne, le contexte, et les perceptions de l’intervenant. Il s’agit alors, par l’échange et la discussion, de s’accorder sur ce qu’il est souhaitable et réaliste de viser en terme de changement pour la personne.

    C’est un processus continu, qui pourra nécessiter qu’on y revienne régulièrement au long de l’accompagnement, pour réajuster ces objectifs.

    3 – L’évocation

    Une fois la ligne directrice déterminée, l’évocation est la phase durant laquelle l’intervenant amène la personne à verbaliser ses propres arguments et motivations à changer. Il s’agit de susciter le discours-changement. C’est le cœur de l’approche motivationnelle.

    Il est important d’aider la personne à énoncer ses propres motivations, et non uniquement les raisons extérieures qui l’amèneraient à devoir engager ce changement. Par ailleurs, il ne faut pas totalement ignorer les arguments contre le changement (discours-maintien), qui forment l’ambivalence de la personne. Il s’agit bien d’explorer cette ambivalence et d’aider la personne à la résoudre.

    Le discours-changement prend plusieurs formes qui indiquent à l’intervenant où la personne en est dans son processus. En particulier, on pourra distinguer un discours préparatoire, exprimant les désirs, besoins, capacité de la personne (« je voudrais / pourrais changer ») et un discours de mobilisation (« je vais changer – je commence à changer »). On peut retrouver ces catégories dans le discours maintien. En étant attentif au discours et à sa nature, l’intervenant évaluera s’il est encore nécessaire d’aider la personne à résoudre son ambivalence et par quelles techniques (imaginer les conséquences extrêmes, évoquer le passé, le futur, réagir au discours-changement, etc.) ou si le temps est venu de planifier des changements.

    4 – La planification

    La planification est une phase qui peut débuter lorsque le discours-changement de la personne bascule dans un mode de mobilisation. Il s’agira alors de renforcer cet engagement vers le changement, et de formuler avec la personne un plan d’action. Il conviendra alors de faire émerger chez la personne, en plus de ses motivations propres, ses capacités et moyens pour évoluer, puis de la soutenir dans la mise en oeuvre de ceux-ci. Dans cette phase comme dans la précédente, apporter de l’information, ici sur les moyens d’actions disponibles peut-être important, en respectant toujours l’autonomie de la personne. Comme pour la phase de focalisation, on distinguera plusieurs scénarii, selon que la personne a un plan d’action unique et clair, plusieurs options possibles ou aucune piste. Selon les cas, différentes stratégies pourront être proposées pour guider la personne.

      1. MILLER W.R., ROLLNICK S., L’entretien motivationnel – Aider la personne à engager le changement, trad. par LECALLIER D., MICHAUD P., Paris, InterEditions, 2013, p.43