Concepts autour de l’EM

L’entretien motivationnel est particulièrement adapté dans les situations où une personne est ambivalente face à un comportement problématique donné. Dans ces situations, si l’intervenant argumente uniquement en faveur du changement de comportement (réflexe correcteur), la personne aura souvent tendance à contre-argumenter (la dissonance). Le discours de la personne sera alors principalement en direction du maintien du comportement problématique, alors qu’il convient à l’inverse de susciter le discours en faveur du changement pour aider la personne à aller dans cette direction.

L’ambivalence

Etre ambivalent, c’est ne pas réussir à prendre une direction. C’est à la fois vouloir et ne pas vouloir changer. C’est une situation normale et très commune de l’expérience humaine, et c’est une étape vers le changement. Plus exactement, c’est une situation dans laquelle se trouvent bloquées de très nombreuses personnes ayant adopté un comportement problématique. Bien souvent, un fumeur connait les dangers du tabac, a envisagé d’arrêter de nombreuses fois, est même gêné par son propre tabagisme, mais envisage également les points positifs à continuer, et ce qu’il perdra en arrêtant. Il désire à la fois arrêter et continuer. Il en va de même pour beaucoup d’autres pratiques à risques. Ainsi, avant d’en échanger avec un professionnel, la personne a souvent déjà eu, en son for intérieur, un débat interne vif entre le statut-quo et le changement.

Le réflexe correcteur

Cette ambivalence s’exprime dans le discours de la personne : « je voudrais arrêter de boire mais je vais me retrouver tout seul » – « j’aimerai faire plus d’exercice mais je n’ai vraiment pas le temps ». Lorsqu’une personne exprime ainsi les deux versants de son ambivalence, la tendance naturelle que l’on peut avoir en tant qu’intervenant est de développer les arguments en faveur du changement : « si vous continuez à grossir, vous risquez une maladie grave ! ». Cette tendance découle de notre désir, louable, d’aider la personne, de l’amener vers un mieux être. Ce désir, et les autres motivations qui nous ont poussées à choisir un métier de la relation d’aide, peuvent nous amener à être directifs, à vouloir conduire la personne vers le changement, par un chemin qu’on va lui montrer. On va tenter de convaincre. Malheureusement ce faisant, on obtient souvent l’inverse de ce que l’on cherchait.

La dissonance

En effet, il arrive très souvent que la personne a conscience des arguments qu’on lui expose en faveur du changement. Les dangers des pratiques à risques sont relativement connus. Lorsqu’elle est dans une situation d’ambivalence, elle débat intérieurement avec elle-même pour ou contre le changement. Si nous débattons pour, il y a de très fortes chances pour que la personne en réponse développe les arguments contre le changement. Ce faisant elle nous explique son débat intérieur, elle justifie la difficulté qu’elle a à s’engager dans le changement.

En lui disant quel devrait être son comportement, et comment elle devrait aller vers ce changement, on lui impose notre point de vue, on la prive de son autonomie. La plupart des gens n’acceptent pas cette privation d’autonomie, et pour rester maîtres de leur vie, vont contre-argumenter en faveur du maintien du comportement, ouvertement ou intérieurement. On nomme cette opposition entre l’intervenant et le client de la dissonance. Celle-ci est différente du discours-maintien que l’on va rencontrer ensuite en ce sens qu’elle est tournée vers l’intervenant. C’est notre manière d’intervenir, trop frontale et directive, qui provoque cette forme de résistance.

Le Discours Maintien & Le Discours Changement

Le discours-maintien (DM) fait partie de l’ambivalence. Il n’est pas provoqué par l’intervenant, il est l’expression par le client des raisons qui l’empêchent d’aller vers un changement de comportement.

Le discours-changement (DC) est le concept opposé, et un élément clé de l’entretien motivationnel. Il s’agit de l’ensemble des assertions du client en faveur du changement. On pourra distinguer différentes formes de discours-changement, correspondant à différents niveaux d’engagement de la personne. Par exemple, on pourra repérer le discours-changement préparatoire, c’est-à-dire des phrases prononcées par la personne qui indiquent qu’elle envisage le changement et va vers la mobilisation. Cela s’exprime notamment par des formes de discours indiquant : des désirs : « je veux arrêter de fumer » ; des capacités : « je peux me remettre au sport », des raisons : « je me sentirais mieux après… », des besoins : « Je dois m’y mettre ! ». Un seconde forme est le discours-changement de mobilisation. Dans lequel on pourra également distinguer différents niveaux (engagement, activation, premiers pas). Ces catégories peuvent se retrouver également dans le discours maintien.

Il faut se rappeler que les deux formes de discours (DC et DM) vont souvent advenir ensemble, c’est l’expression de l’ambivalence. Il faut également se souvenir que plus le client exprime une forme de discours, plus il tend dans la direction correspondante. L’enjeu est donc de repérer laquelle des deux formes est la plus présente, et d’aider la personne à exprimer et aller vers le discours changement.

Photographie « ambivalence » : Craig Cloutier / FLickr